La ficelle est vraiment trop grosse.
Abordons, en passant, sur la bêtise absolue qui consiste à associer sans nuance le quotient familial à la politique familiale. Le sujet est
tellement arithmétique que l'UMP et le Front National rivalisent de délires rhétoriques à ce sujet pour camoufler le néant. La palme de l'ânerie revient à Mme Arnautu qui, délicate référence chrétienne, parle de
"crucifixion" des familles françaises. Pourquoi pas martyr ? génocide ? holocauste ? Nous ne devons pas parler des
mêmes familles. Dans le monde imaginaire du FN, celui hérité du pieux Pétain et de sa pucelle, il ne s'agit que des "vraies" familles "françaises".
Dans la réalité, diviser un impôt de 1000 euros par 2 parts, ça fait gagner 500 euros.
Tandis que diviser un impôt de 10000 euros par 2 parts, ça fait gagner 5000 euros. Autrement dit, il n'y a
pas plus injuste que le quotient familial. C'est un système qui fonctionnait quand les écarts de salaire n'étaient pas
obscènes et que tout le monde avait ou allait avoir du boulot. On était en 1945.
Alors pour qui se bat le Front National, à votre avis ?
Oubliée, la fille de Jean-Marie Le Pen en petite mère des peuples. Oubliés les accents populos, les serrages de cuillères sur les marchés, les cirages de pompes
dans les usines. La réalité, c'est le réflexe de caste, la main sur le gros portefeuille le dimanche à Saint Nicolas du Chardonnet.
Les "pauvres familles françaises" ! Si elles n'ont plus de quoi s'acheter un Paris-Brest à la sortie de la messe, n'auront qu'à s'acheter un Paris-Moscou. Poutine
adore le clergé.
Revenons à nos moutons, fussent-ils de Domrémy...
Le chapitre "Ecologie" du programme de la fille de Jean-Marie Le Pen s'inscrit dans un chapitre plus global : Ecologie, sécurité alimentaire et industrielle,
protection animale.
Passons sur le chienchien électoral à sa mémère.
Le chapitre qui nous intéresse s'appelle "L'écologie au coeur du développement". On n'oublie pas que l'identité nationale est un socle (toujours dans ce
programme), un socle prometteur d'innombrables saillies.
Mais là, c'est la déception.
Un catalogue de lieux communs, une ribambelle de clichés, ce texte enfile les poncifs comme des perles de culture. A peine quelques dissimulations (ce serait la
crise, et pas la financiarisation de la société, qui obligerait les gens à penser à court terme), de mauvais mensonges ("L’écologie ne doit en aucun cas être synonyme de décroissance." texto !),
de piètres raccourcis (on est habitué).
C'est à peine si on trouve une petite fabrication maison : "L’enjeu environnemental est très lié (...) à la maîtrise internationale des migrations". Quand même.
L'étranger pollue, c'est bien connu.
C'est que l'écologie est en réalité consubstancielle au programme du Front National : elle fonctionne à partir du concept de pureté, motorisé par une mystique
omniprésente. L'écologie, nouvelle religion dont la déesse Nature ou Gaïa occupe le rôle que le Dieu des chrétiens occupait avant le 19e siècle, propose au nouveau croyant à la fois la
pratique individuelle (végétarisme, yoga, purification corporelle et autres pratiques menant au risque zéro), la pratique collective (les pastilles vertes, les
éco-taxes, "c'est bon pour la planète !") et le paradis éternel (la croissance zéro, la consommation zéro, la critique zéro, la conscience zéro, etc.).
C'est exactement ce qu'on lit dans l'ensemble de ce programme. Le Front National a réponse à tout, il prévoit tout et s'occupe de votre bonheur. On y trouve la
pratique individuelle (de la préférence française, de la politique familiale, des sentiments patriotes, sic ! ), la pratique collective (à travers le retour présumé d'un Etat fort et l'expression de la reconnaissance collective vis à vis de la Conductrice Maximale, non ça ce n'est pas
dans le programme...) et le paradis sur Terre : la France, bien sûr.
Bon, la critique zéro, ce n'est pas encore pour maintenant mais l'exemple de Viktor Orban en Hongrie doit nous faire penser que cette étape pourrait nous échoir
juste après, si par malheur la fille de Jean Marie Le Pen venait au pouvoir. Il deviendrait possible alors de verrouiller la justice, l'information et les services publics pour asservir la
population en installant une solide propagande.
L'idéal de pureté, dans le programme de la fille de Jean Marie Le Pen, ne s'entend pas au sens racial mais national. Officiellement, ce n'est pas la même chose
mais on ne peut s'empêcher de penser qu'au final, après un certain temps de mise en pratique, ça peut ressembler beaucoup. Le "corps" national devient un espace clos qu'il convient d'isoler
soigneusement, monétairement (avec l'abandon de l'euro), anthropologiquement (avec la lutte contre l'immigration), culturellement. Ce qui vient de l'extérieur menace la "bonne sauvage"
rousseauïste que la nation redeviendrait, à n'en pas douter. Sans la Turquie, bien sûr.
La mystique occupe la seconde place au classement des concepts vedettes dans ce programme. La France doit "redevenir" quelque chose d'important. Dans le volet
écolo du programme, c'est évident mais il n'y a rien de neuf. Par contre, dans les autres volets, les envolées lyriques sur les "constantes géopolitiques de la France", sur la famille comme
"élément fondamental de la société", sur le caractère "sacré" de la démocratie font sans cesse référence à une nature transcendentale de ce "socle identitaire" si pratique.
Pourquoi la démocratie serait-elle sacrée ? L'est-elle plus ou moins que la personne humaine et son besoin d'un fonctionnement légitime, transparent et régulier
de la République ? Est-elle plus ou moins sacrée que le secours offert à notre prochain, qu'il soit Français ou non ?
La limite est facile à définir : pour le FN, c'est le sol. Pour l'écologie, c'est la nature. Euh... pardon : la Nature. En clair, nous sommes sur les mêmes
terres, des terres étrangères à la République, à la démocratie (la vraie). Une même idéologie unilatérale qui n'est pas bonne pour la planète.